14 janvier 2008

Le grand saut


Alors que le groupe de travail sur les réformes institutionnelles doit se réunir dans quelques heures (ce sera ce mardi en fin de matinée), certains protagonistes devraient ce lundi soir ressentir quelque chose qui ressemble à du vertige. L’enjeu est important : réussir à réformer l’Etat c’est non seulement sortir de la crise qui nous occupe depuis six mois, mais aussi jeter les bases de la Belgique de demain. Plusieurs négociateurs flamands l’ont déjà laisser entendre : en cas de succès ils pourraient accepter une « clause » qui verrouillerait l’architecture étatique pour une décennie au moins. Raison de plus pour ne pas se rater.


L ‘issue est incertaine. Les positions défendues au nord et au sud ne sont en apparence toujours pas conciliables et les 6 mois passés font douter de la pérennité de ce génie belge qui consistait à trouver des dynamiques acceptables par les deux communautés à force de patience et d’imagination.


Ce mardi ils devraient être 18, peut être 20 autour de la table : Yves Leterme, Hermann Van Rompuy, Etienne Schouppe, Bart de Wever, Bart Sommers, Patrick Vankrukelsven, Caroline Gennez, Geert Lambert et Magda Alvoet pour les néerlandophones. Didier Reynders, Armand De Decker, Olivier Maingain, Philippe Moureaux, Jean-Claude Marcourt, Joëlle Milquet, André Antoine et Marcel Cheron côté francophone. Guy Verhofstadt et Jean-Luc Dehaene seront invités permanents.


La première réunion débutera par une allocution d’Yves Leterme (les caméras pourront rester pendant qu’il la prononce, la suite des travaux se fera à huis clos). L’essentiel de cette première séance sera consacrée à la méthode de travail.
Ainsi il sera proposé aux 18+2 de commencer par entendre les représentants des communautés et régions (un lot de consolation pour les germanophones dont aucun élu n’est invité dans le groupe des 18), avant d’organiser trois tables rondes successives sur
- la répartition des compétences et leur financement (ce qui relève du fédéral, ce qui relève des régions et comment ces politiques sont financées)
- l’avenir de la région bruxelloise
- le système électoral (faut il un sénat paritaire, une circonscription électorale, une date commune pour les élections régionales et législatives)
Les deux co-présidents pourraient également suggérer d’auditionner des « experts » constitutionnalistes, politologues et économistes pour éclairer les débats.


Voilà pour le premier round. Cela devrait être suffisant pour « sentir » si la mayonnaise communautaire a une chance de prendre ou pas. L’ambiance qui émanera de cette première matinée sera ainsi déterminante. Lors de la dernière tentative du même genre, un « forum » lancé par la violette, la première séance, présidée par Didier Reynders (si mes souvenirs sont corrects Johan Vande Lanotte avait trouvé une excuse pour ne pas venir) avait aussi été la dernière car on n’ avait pas pu se mettre d’accord sur un ordre du jour. Ici Leterme et Reynders font tout pour éviter le piège : pas de note, pas de menu, pas d’agenda. Tout au plus devine-t-on que le succès consisterait à concevoir ces éléments pour le 23 mars. On se doute également que le groupe des 20 n’ira pas très loin. Il devrait laisser rapidement la place à un groupe restreint (5, 7 ou 8 participants, la formule ne semble pas encore clairement arrêtée) au sein duquel les vraies négociations se dérouleront (au passage : ceux qui s’inquiètent de la présence de 4 anciens de la Volksunie dans le groupe de travail seront rassurés en constatant que ces anciens nationalistes ne sont pas invités dans le groupe restreint).


Ce soir les protagonistes s’apprêtent donc à sauter dans le vide. Il est rare qu’un dirigeant politique de grande envergure se lance dans une entreprise sans savoir où celle-ci va l’emmener. C’est le cas cette fois-ci. Et personne ne peut exclure l’échec, au contraire. On pourrait même se risquer à écrire que cet échec est probable, si l’on ne savait qu’en matière communautaire le prévisible se vérifie rarement. Prévenons quand même les lecteurs de ce blog : une nouvelle escalade ne serait pas sans vertus, contraindre les uns et les autres à plus de concessions passera probablement par une nouvelle période de crise.

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