07 mai 2008

Yves Leterme perd pied




Cela n’aura donc été qu’une parenthèse. Le gouvernement mis en place le 20 mars risque d’entrer dans les heures qui viennent dans une phase d’intenses turbulences. Finalement c’est peut être mieux ainsi : cette majorité est une majorité fantôme, incapable de travailler sereinement, avec des ministres qui s’écartent sans vergogne d’un accord de gouvernement dont l’encre est à peine sèche et des députés qui se soucient comme d’une guigne de la solidarité gouvernementale. Le gouvernement Leterme n’a aura travaillé que la première semaine de son existence, pour mettre au point quelques mesures sociales (fonds mazout notamment), et depuis il se délite. A l’heure où vous lirez ces lignes, sauf surprise de dernière minute, le compteur de la crise sera sur le point d’être relancé.



Yves Leterme peut cependant espérer limiter la casse. C’est à cela qu’il s’emploie en tentant de convaincre les membres les plus régionalistes de son cartel. Sans doute les députés flamands ne renonceront-ils pas à une inscription de leur fanion BHV sur un ordre du jour. Mais le premier peut encore espère que cette inscription se fasse en relative douceur : en précisant par exemple, que le vote du budget et de la loi programme passent avant l’arrondissement électoral et que l’examen effectif ne soit pas programmé avant plusieurs séances, ce qui laissera le temps aux francophones de mettre en route leur riposte. S’il faut aller vite ceux-ci choisiront l’amendement à renvoyer au conseil d’état (cela ne prend que quelques minutes), s’ils ont plus de temps le conflit d’intérêt (actionné depuis le parlement wallon, le parlement bruxellois ou le parlement francophone bruxellois, ex-cocof, où l’on semble déjà prêt) qui donnera 120 jours de répit. Quelque chose a changé dans le camp francophone. On passe moins de temps à s'invectiver, on travaille désormais en équipe. Le résultat est là : ensemble les francophones réussisent à isoler le CD&V.



Et après ? Les jours de crise programmés ne déboucheront sans doute pas sur grand chose. La tentation francophone est désormais grande de limiter le gouvernement aux seuls thèmes économiques (les fameux « vrais problèmes des gens » pour reprendre une expression si souvent répétée qu’elle en devient ridicule). Il n’est pas sûr que le CD&V marche facilement dans l’opération. Il faudra sans doute encore tenter des négociations communautaires, ou au moins faire semblant. En l’état actuel des choses il n’y a pas de majorité alternative. Et il n’y a pas beaucoup de premiers ministres de rechange. On peut bien songer à Herman Van Rompuy ou Didier Reynders, il n’est pas acquis que l’un ou l’autre accepterait la charge ni que le CD&V leur simplifierait la vie. Bien sûr le nom de Kris Peeters (actuel ministre président flamand) commence à circuler, mais sa méconnaissances du français et son profil régionaliste le rendront difficilement acceptable pour les francophones. Le soldat Leterme se maintiendra peut être faute de concurrent crédible. Pourtant ces dernières heures les téléspectateurs francophones auront vu le premier ministre perdre pied face aux caméras. Dans la même situation son prédécesseur se serait abrité derrière les vitres de sa voiture. Saluons le courage de Leterme qui affronte les micros… mais soulignons aussi sa raideur et ses maladresses. Je suis bien placé pour savoir qu’une meute de caméras est terrorisante. Mais j’ai vu devant moi mardi soir un homme pâle désarmé tentant de s’enfuir dans l’humour. C’est d’autant plus regrettable que si la réunion avait, comme on le subodore, l’ambition de ramener le cartel à la raison, le faire savoir un peu n’aurait pas été si négatif. Ce jogging ridicule n’arrange pas l’image d’un homme si critiqué que l’on se demande comment il ne s’écroule pas.

Aucun commentaire: