16 juin 2014

Le diable est dans les questions

Ce mardi deux événements se partageront la une de l'actualité. Il y aura d'abord le rendez-vous de l'informateur avec le roi Philippe. Il y aura ensuite l'entrée en lice des diables rouges à la coupe du monde de football. Ce n'est manquer de respect ni à l'empereur de Flandre ni au roi des Belges que de prévoir un intérêt plus grand pour les 11 diables qui défendront les couleurs nationales sur une pelouse brésilienne que pour nos deux hommes et leur conversation dans un salon du palais de Bruxelles. L'enthousiasme pour les diables sera d'autant plus partagé qu'un match de football est un spectacle par nature public et compréhensible, alors que le conciliabule qui se tient loin des yeux et des oreilles du public est au contraire subtilement opaque.

En attendant le coup d'envoi des deux rencontres, essayons quand même de lever un coin du voile sur celle de Bruxelles (ce n'est pas que je me désintéresse de l'autre match mais je crains que vous ne me lisiez pas pour mes talents de commentateur sportif, ça me chagrine, mais j'en prends acte). 
Il y a une semaine Philippe avait donné une semaine à Bart pour lui remettre un rapport. Sept jours plus tard, le constat est là : nous n'avons, en apparence, pas vraiment progressés.  Mais comme la bouteille federale est à moitié vide seulement, nous pouvons aussi prendre le problème dans l'autre sens et constater que Bart De Wever continue de parler avec plusieurs partenaires potentiels, le processus est en cours, ce n'est pas encore l'echec. Depuis ce weekend le milieu politico-médiatique s'attend d'ailleurs à une reconduction de l'informateur, ou, formule plus subtile, à la mise entre parenthèse de sa mission le temps d'un approfondissement (l'infomateur serait "suspendu" ou "gelé" mais pas démis de sa mission, qui pourrait donc reprendre ultérieurement. 

Le président de la NVA travaille à une coalition des droites. Trois partenaires seraient d'accord : la NVA, le CD&V et le MR. Chez les libéraux francophones ce n'est pas l'unanimité, mais plusieurs ténors confirment que l'idee d'une participation a de plus en plus de partisans. Le hic c'est qu'il faut un 4ieme participant pour former une majorité. L'informateur doit donc convaincre soit le CDH soit l'open VLD de rejoindre son "noyau dur". Lequel ? C'est toute la question, et elle est diabolique. 
Bien sur personne ne vous confirmera ce dilemme officiellement, la version des portes-paroles se résumant, tous partis confondus à un " no comment" tant que le rapport n'est  pas sorti ou la mission pas prolongée. "On ne va pas commenter des hypothèses" réagissait un conseiller aujourd'hui. Et tous les états major ont fait passer le message : pas de déclarations à la presse sur ces histoires de coalition. 

Examinons les deux options. La première, convaincre le CDH d'en être. Pas facile. Quand on a accusé la NVA de racisme en fin de campagne, il est délicat de vous assoir à la table du diable (et je ne parle pas de foot mais bien de politique ici). Surtout la NVA ne lui inspire guère confiance. Invité sur Télé Bruxelles Benoit Cerexhe a ainsi explicitement demandé que l'informateur communique une note, une sorte de menu de la négociation avant d'aller plus loin. Difficile à envisager pour un processus aussi peu avancé. Benoit Lutgen, on le sent bien, négocie du bout des lèvres, mais la conviction n'y est pas. Les libéraux francophones expliquent à qui veut l'entendre leur désamour du CDH (ils soupçonnent les humanistes de préparer une orange bleu bis : des négociations qui s'enlisent puis capotent, ouvrant du coup la voie à une tripartite classique, ce qui aurait pour effet de rappeler les socialistes) : ce scénario est possible mais poussif. 

Seconde option : rappeler l'open VLD. Là il y a une double difficulté. D'abord convaincre les libéraux flamands, alors qu'ils annoncent aujourd'hui refuser de monter au fédéral s'ils ne sont pas à la région. Ensuite ce scénario implique que le MR se retrouve seul francophone a la table des négociations. Pas facile à assumer. A bonne source on me dit que les libéraux sont plutôt enclins à y aller, mais que cette position ne fait pas l'unanimité chez eux. On peut le comprendre : être seul parti francophone dans un cabinet fédéral très flamand risque d'être difficile à porter. Mais surtout ce sont la NVA et le CD&V qu'il faut convaincre. Rappeler les libéraux flamands alors qu'on vient de les écarter à la région flamande, c'est prendre le risque de déstabiliser la région. Quand on est capable de gouverner à deux, il n'y a pas de raison d'appeler un troisième larron. 

De l'informateur on attend donc qu'il écarte ou confirme ces options. Tant que ces questions sont ouvertes la négociation ne débutera pas vraiment. Bart De Wever a sans doute besoin d'une semaine de plus pour y voir clair et essayer de lancer un gouvernement sans socialistes. Il ne doit pas trop traîner. Déjà aujourd'hui André Flahaut rappelait que le PS n'avait pas vocation à être écarté du fédéral. Une offre de service qui  ressemble moins à une main tendue qu'à un tacle en bonne et due forme. Le président actuel de la chambre vient de dévoiler la stratégie socialiste : parier sur un pourrissement de la situation, un échec  de la NVA, qui pourrait bien remette le PS de nouveau au centre du terrain. Ce mardi les diables (ceux du Brésil) seront les alliés de Bart De Wever. En focalisant l'attention du grand public ils laissent à l'informateur un espace de travail dans la discrétion. Après-demain le temps qui coule plaidera pour d'autres formules. 

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